Accueil du site > Actualités > Actualités science > LHC : un résultat "aux tops" pour l’expérience ATLAS
Romain Madar, chercheur au laboratoire de physique de Clermont, présente le résultat d’une chasse qui a duré 10 ans.
L’étude du quark top, particule élémentaire la plus massive du Modèle standard, revêt une importance toute particulière dans la recherche de physique au-delà du Modèle Standard. En effet, sa masse importante en fait un laboratoire d’étude à une énergie naturellement élevée, où de nouveaux phénomènes pourraient apparaître. « Au LHC, le quark top est copieusement produit par paires, mais en théorie on s’attend aussi à le voir produit par groupes de quatre à une fréquence beaucoup plus faible : pour un million de paires de quark top, on s’attend à produire environ 50 000 bosons de Higgs, et seulement une dizaine de quartets de quark tops ! » explique Romain Madar, chercheur CNRS au Laboratoire de Physique de Clermont-Ferrand, dans le groupe à l’origine de cette quête. « Ce type de collision était resté inobservé jusqu’à cette année. » Collision candidate pour la production de 4 quarks tops dans l’expérience ATLAS. Deux des quarks top se désintègrent en hadrons et les deux autres, en leptons (ici un électron et un muon). On distingue 7 jets (représentés ici par des cônes) dont 4 sontidentifiés comme provenant d’un quark beau (cônes bleus), signature typique du signal. La ligne rouge représente un muon traversant le détecteur, tandis que la ligne en vert clair représente un électron arrêté par le calorimètre. © ATLAS/CERN
En plus d’être rare, ce processus est difficile à identifier car il implique une signature complexe dans le détecteur. Notamment parce que la production de quatre quarks top se traduit par un état final ayant entre autres un grand nombre de quarks légers et quatre quarks beaux. Les quarks n’étant pas mesurables individuellement, ceux-ci se matérialisent dans le détecteur par de grandes gerbes hadroniques (ou jets) très difficiles à séparer du bruit de fond. La présence de quatre quark beaux est l’une des signatures caractéristiques de ce signal, et induit un bruit de fond d’autant plus problématique qu’il provient de processus rares, et donc encore mal connus. « Avec d’autres collègues d’ATLAS, nous avons dû mettre en place des stratégies d’analyse pour comprendre en détails le comportement de ces bruits de fond, » résume Romain Madar. Et le travail est payant. Après avoir analysé l’ensemble des données enregistrées entre 2015 et 2018 (deuxième phase d’exploitation ou run2), correspondant à 139 inverse femtobarns (fb-1), les scientifiques mettent enfin en évidence ce phénomène rare et complexe.
La première mesure présentée cette année correspond à une signification statistique de 4,3 déviations standards. Légèrement au-dessus des 2.4 déviations standards prédites par le Modèle Standard, cette mesure devient encore plus intéressante. Pour confirmer ou infirmer cette légère tension entre théorie et expérience, les physiciens et physiciennes d’ATLAS devront attendre les données de la troisième phase d’exploitation du LHC (qui permettra d’accumuler 300 fb-1 de données), prévue pour 2021. La phase suivante du LHC, dite de haute luminosité (HL-LHC) et prévue pour 2027, devrait permettre une étude plus précise de ce processus spectaculaire.
Distribution du nombre de jets identifiés comme provenant d’un quark beau : le signal (histogramme rouge) est principalement présent dans les événements avec au moins 3 jets de quark beau, tandis que le bruit de fond (histogrammes colorés) est quasiinexistant pour 4 jets (ou plus) de quark beau. Les données observées (histogramme noir) montrent clairement l’existence de la production de 4 quarks top.
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