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Descente des 4 premiers C-Frames du SciFi dans le puits LHCb

Des nouvelles de la jouvence LHCb et de son nouveau trajectographe à fibres Scintillantes (SciFi)

Pendant ce long arrêt du LHC, LHCb installe son nouveau détecteur. Pratiquement plus rien ne restera de l’ancien si ce n’est la partie active des calorimètres électromagnétique, hadronique et de ses quatre chambres à muons situées à l’arrière. La cinquième, placée avant le preshower de LHCb (contribution du LPC), a été enlevée avec celui-ci ainsi que le détecteur à damiers de scintillateurs qui le complétait. De nouvelles électroniques pour l’ensemble des détecteurs et un système d’acquisition ont été conçus. C’est donc véritablement une nouvelle expérience qui va démarrer en 2022. LHCb pourra désormais collecter des données à la luminosité moyenne de LHC de 2x1033 cm-2s-1 avec une acquisition fonctionnant à 40 MHz, la fréquence de collisions de LHC. Précédemment LHCb fonctionnait à une luminosité de 4x1032 cm-2s-1 (deux fois sa valeur de conception) et avec un premier niveau de sélection hardware qui réduisait la quantité de données en sortie à 1MHz. Avec ce nouveau détecteur LHCb va pouvoir dérouler son programme de physique et atteindre une précision expérimentale voisine de celle des prédictions théoriques. Les experts auront remarqué que nous sommes encore loin de fonctionner à la luminosité nominale de LHC qui est de 2x1034 cm-2s-1 ! Ce devrait pouvoir être le cas pour le Run 5, dans une dizaine d’années, avec son nouveau programme d’upgrade qui démarre ; mais c’est une autre histoire (et LHC fonctionnera à ce moment-là à une luminosité encore plus élevée).

Comme vous le savez, le LPC est engagé dans la construction d’un des nouveaux détecteurs majeurs de LHCb, son trajectographe à fibres scintillantes, le SciFi, et je souhaiterais en profiter pour remercier l’ensemble du personnel technique du laboratoire qui participe à cette réalisation depuis déjà une dizaine d’années, puisque nos premières participations à l’upgrade datent de 2011 avec l’écriture de la LOI et souligner l’implication exceptionnelle de Christophe et de Magali sans qui ce projet ne pourrait aboutir ainsi que :

- Le personnel du service de micro-électronique pour sa participation à la conception de l’ASIC PACIFIC,
- Le personnel du service d’électronique pour la conception des cartes de clusterisation,
- Le personnel du service de mécanique pour la conception du système de support des cartes Front-End (Front-End Box, FEB) et leur système de refroidissement,
- Le personnel du service d’électronique et de mécanique pour leur participation à l’assemblage des Front-End Box qui contiennent entre autres des ASIC PACIFIC et des cartes de clusterisation intégrés à un support en aluminium, une des pièces du système de refroidissement,
- L’ensemble des personnes participant à l’installation au CERN,
- Le personnel du service administratif pour les nombreuses commandes, marchés et missions.

Quelques chiffres :

Un C-frame (voir photo) fait environ 4m de large et 6m de hauteur pour une partie active de 3m x 5m. C’est un assemblage complexe de fibres scintillantes regroupées en modules, lues par des SiPM à 128 voies refroidis à -40°C pour diminuer les dommages provenant des radiations. Un C-frame supporte 5 ou 6 modules, suivant son emplacement dans la chaîne de détection, avec l’ensemble de l’électronique et des services associés. Un module est lu par 2 FEB, une à chaque extrémité. Une FEB permet de lire 2048 canaux, le détecteur comporte 256 FEB, soit un total de plus de 500 000 voies de lecture. Le détecteur complet est constitué de 12 C-frames, ce qui représente une surface de 340 m2 et 11 000 km de fibres de 250 µm de diamètre.

L’assemblage d’un C-frame :

Les C-frames sont assemblés au CERN, en surface, dans un bâtiment dédié équipé d’une structure permettant de construire jusqu’à 4 C-frames en parallèle. L’assemblage d’un C-frame est une procédure complexe. Elle doit s’accomplir selon un ordre bien défini et fait intervenir les équipes de différents instituts (principalement CERN, Clermont, Dortmund, Heidelberg et NIKHEF) venant à tour de rôle assembler leurs contributions. Certaines étapes sont suivies d’un commissoning intermédiaire avant un commissioning complet qui est effectué lorsque le C-frame est entièrement assemblé. Un seul C-frame (~ 50 000 voies de lecture) peut être commissioné à la fois. Une fois validé le C-frame est transféré dans une cage de transport qui peut recevoir jusqu’à 6 C-frames et qui permet de le descendre dans la caverne LHCb située à quelques mètres du hall de montage. C’est ce que vous voyez dans le clip.

Et le LPC ?

Clermont intervient à plusieurs étapes dans l’assemblage d’un C-frame. Principalement lors des premières étapes pour la mise en place du système de refroidissement des FEB sur le C-frame puis parmi les dernières pour la mise en place des FEB (opération très délicate), mais aussi pour la connexion d’un C-frame au système de refroidissement par eau afin de pouvoir tester l’électronique, pour l’échange et la réparation de FEB et pour la déconnexion du C-frame à la fin des tests afin de pouvoir le transférer dans la cage de transport.

Où en est-on ?

Aujourd’hui avec la descente de ces 4 C-frames, une étape importante vient d’être réalisée et c’est une grande satisfaction de voir (enfin) des C-frames entièrement équipés dans la caverne. Mais, il ne s’agit que d’une étape.

Une fois les C-frames arrivés dans la caverne il faudra les installer dans leur position finale et les connecter à l’ensemble des services qui arrivent dans des chaînes à câbles qui doivent bien sûr être préalablement installées. La mise en place de ces chaînes et des câbles et tuyaux se fait dans la caverne en parallèle à l’assemblage en surface. Chaque C-frame devra de nouveau subir toute une batterie de tests, cette fois avec la chaîne finale d’acquisition de LHCb, afin de vérifier son état et que toute l’acquisition fonctionne correctement. Clermont intervient également dans cette phase avec la mise en place du système de refroidissement par eau, sa connexion aux C-frames et l’échange de FEB non fonctionnelles.

Pour vous donner une idée de la complexité de l’assemblage d’un C-frame, celui du premier C-frame a commencé en mars 2019 et n’a été complètement terminé (et encore pas tout à fait) qu’environ un an plus tard ! Bien sûr il s’agissait du premier C-frame, toutes les pièces n’ont pas été toujours disponibles au moment anticipé, tous les systèmes de contrôle et de tests n’étaient pas en place ou étaient balbutiants. Depuis, beaucoup d’expérience a été acquise et nous entrons véritablement dans une phase de production. Nous estimons qu’il faut 3 mois pour construire un C-frame, même si cela n’a pas encore été atteint aujourd’hui à la suite de divers aléas...

L’impact de la COVID sur l’assemblage des C-frames est considérable. Le personnel des instituts extérieurs n’a commencé à revenir sur le site que depuis fin mars, mais ce n’est pas encore le cas de tous les experts, la France étant toujours considérée comme pays à risques par de nombreux pays...

Ce qui reste à faire :

Actuellement, l’assemblage du 5ème C-frame se poursuit et devrait être terminé dans une dizaine de jours afin que son commissioning complet puisse démarrer. Le 6ème est en bonne voie et devrait le suivre de près. Ces 2 C-frames devraient descendre dans la caverne début juillet et compléter ainsi la moitié du détecteur. Cela permettra la mise en place du tube à vide de LHCb qui passe en son centre et les tests du LHC qui devraient avoir lieu fin septembre. Les assemblages des C-frames 7, 8 et 9 sont en cours, mais il va s’agir d’une véritable course contre la montre afin de terminer l’assemblage de tous les C-frames et leur descente dans la caverne avant la fin de l’année ! Et il faudra alors connecter les C-frames et effectuer leur commissioning.

Auteur : Pascal Perret, le 10 mai 2021.